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Marchés publics : une interprétation stricte de la notion de marchés de défense et de sécurité

Public - Droit public des affaires
14/01/2020
Dans un arrêt rendu le 18 décembre 2019, le Conseil d’État affirme que « seuls les achats d’équipements conçus ou adaptés à des fins spécifiquement militaires sont soumis à des exigences particulières justifiant le régime dérogatoire applicable aux marchés de défense et de sécurité ». Il en déduit qu’ « un marché portant sur des armes destinées à l’exercice de missions de police en mer ne peut être regardé comme un marché de défense et de sécurité ».
En l’espèce, un candidat évincé a demandé au juge du référé précontractuel d’annuler la procédure de passation d’un marché, ayant pour objet notamment la fourniture de pistolets semi-automatiques, lancé par une personne publique afin de répondre aux besoins du dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes. Le juge du référé a fait droit à cette demande.
 
Sur les marchés de défense et de sécurité

Un marché de défense et de sécurité est « un marché conclu par l’État ou l'un de ses établissements publics et ayant pour objet : 1° la fourniture d'équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu'ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu'ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ; 2° La fourniture d'équipements destinés à la sécurité (...) et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégées ou classifiées dans l'intérêt de la sécurité nationale (…) » (CCP, art. L. 1113-1).

Une question se posait au juge : un marché portant sur la fourniture d’armes destinées à l’exercice de missions de police en mer est-il un marché de défense et de sécurité ?

Le Conseil d’État répond par la négative.

En effet, il juge que « seuls les achats, par l’État ou par ses établissements publics, pour les besoins de la défense ou de la sécurité nationale, d’équipements conçus ou adaptés à des fins spécifiquement militaires, sont soumis à des exigences particulières justifiant le régime dérogatoire applicable aux marchés de défense et de sécurité ». Les armes en question ne répondant pas à ce critère (puisqu’elles n’étaient pas utilisées à des fins militaires), le Conseil d’État considère donc que le marché portant sur leur vente ne peut être qualifié de marché de défense et de sécurité.

Au surplus, il ajoute que « la circonstance que des équipements figurent sur la liste établie par la décision n° 255/58 du conseil du 15 avril 1958 ne suffit pas, à elle seule, pour qualifier les marchés de fourniture de ces équipements de marchés de défense et de sécurité ».
 
Des spécifications techniques excluant certains candidats

Selon le cahier des clauses techniques particulières, les pistolets à fournir devaient être conformes à 28 spécifications techniques principales.

Or, pour le juge du référé précontractuel, certaines de ces caractéristiques techniques avaient pour seul effet d’exclure irrégulièrement certains opérateurs dont le requérant et n’étaient pas justifiées par l’objet du marché. 

Pour la Haute juridiction, le juge de première instance a porté, ainsi, sur les faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Le pourvoi est rejeté.
 
Pour aller plus loin :
Sur les marchés de défense et de sécurité, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, nos 1724 et s.
Source : Actualités du droit