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Le Parquet européen a son chef

Pénal - Procédure pénale, International
15/10/2019
Le Conseil de l’UE a tranché le 14 octobre 2019. C’est Laura Codruţa Kövesi qui sera le premier chef du Parquet européen. L’occasion de revenir sur cette institution qui devrait être opérationnelle en novembre 2020…
 
Laura Codruţa Kövesi, 46 ans, est de nationalité roumaine. Procureur au sein du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice en Roumanie, et ancienne Procureur en chef de la Direction nationale anticorruption, elle vient d’être nommée Premier chef du Parquet européen.
 
Le Conseil de l’UE l’a choisie à partir d’une liste de trois candidats : l’Allemand Andres Ritter, le Français Jean-François Bohnert, maintenant procureur de la République financier (v. Jean-François Bohnert à la tête du Parquet national financier, Actualités du Droit, 9 oct. 2019) et Laura Codruţa Kövesi. Candidate favorite, elle a été préférée pour diriger cette nouvelle instance européenne qui se veut indépendante.
 

Une création ex nihilo
Laura Codruţa Kövesi a été nommée pour un mandat de sept ans non renouvelable. « Premier titulaire de ce poste, (elle) aura pour tâche de créer le Parquet européen ex nihilo » a affirmé Anna-Maja Henriksson, ministre de la Justice de la présidence finlandaise du Conseil. Plus concrètement, le nouveau premier chef du Parquet devra :
  • organiser les travaux du Parquet européen ;
  • représenter le Parquet lors de ses contacts avec les institutions de l’UE, les États membres et les pays tiers ;
  • présider le collège des procureurs chargé de définir la stratégie et le règlement intérieur, mais aussi assurer la cohérence des affaires.
Malgré l’accord conclu le 23 septembre dernier entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE, cette nomination doit encore être confirmée par le Parlement européen.
 
Focus sur le Parquet européen, arme de protection des intérêts financiers de l’UE
Le Parquet européen est un moyen d’action pour lutter contre la fraude au niveau européen, il assure une meilleure coordination et coopération. « Chaque année, la fraude transnationale prive les États membres d'au moins 50 milliards d'euros de recettes de TVA. Les États membres ont également signalé qu'environ 638 millions d'euros provenant des fonds structurels de l'UE avaient été détournés en 2015 », explique le Conseil de l’UE sur son site internet.
 
Pour y faire face, 16 États membres ont décidé de lutter ensemble contre la fraude au niveau européen, et non plus simplement au niveau national, ce qui les a amenés à proposer la création d'un Parquet européen. Aujourd’hui 22 États membres y participent, dont notamment l’Allemagne, la Belgique, la Croatie, l’Espagne, la France, la Grève ou encore la République tchèque. Les autres États membres peuvent y adhérer dès qu’ils le souhaitent.
 
Une volonté de créer un Parquet européen qui n’est pas nouvelle
L’idée de coopération ne date pas d’hier. Dès 2013, la Commission européenne avait présenté le projet de création du Parquet européen mais le Conseil n’était pas parvenu à un accord. « Dans ce type de situations, un groupe d'au moins 9 États membres peut mettre en place une coopération renforcée, conformément aux traités de l'UE ». Cette procédure est possible selon l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’UE.  « C'est ainsi que la coopération renforcée relative au Parquet européen a été lancée en avril 2017 » précise le Conseil de l'UE.
 
Le règlement a été approuvé cette même année par les États membres, puis par le Parlement. Le Conseil a à son tour adopter le règlement sur le Paquet européen (Règl. Cons. UE n° 2017/1939, 12 oct. 2017, JOUE 31 oct.), qui est entré en vigueur le 20 novembre 2017.
 
Missions : diriger des enquêtes et mener des poursuites pénales
Les missions du Parquet vont consister à enquêter et engager des poursuites pour toutes infractions portant atteinte au budget de l’UE. Concrètement, pour les actes de fraude d’un montant supérieur à 10 000 euros, corruption, blanchiment de capitaux et fraude transfrontière à la TVA entraînant un préjudice supérieur à 10 millions d’euros.
 
Ses missions pourront être étendues, notamment concernant « la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière (qui) requiert une décision adoptée à l’unanimité par le Conseil européen », précise le règlement mettant en œuvre une coopération renforcée relative à la création du Parquet européen (Règl. Cons. UE n° 2017/1939, 12 oct. 2017, JOUE 31 oct.).
 
Compétences partagées avec les autorités nationales
Au sein du Parquet européen, son chef et le collège des procureurs seront chargés de la stratégie. Côté opérationnel, des procureurs européens délégués auront pour mission de mener les enquêtes et les poursuites pénales, et des chambres permanentes superviseront les enquêtes et prendront des décisions opérationnelles. Un procureur européen dans chaque État participant sera choisi par le Conseil.
 
« Le présent règlement prévoit un système de compétences partagées entre le Parquet européen et les autorités nationales dans le cadre de la lutte contre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, sur la base du droit d’évocation du Parquet européen » énonce le Règlement (Règl. Cons. UE n° 2017/1939, 12 oct. 2017, JOUE 31 oct.). Le Parquet européen et les autorités nationales devront s’aider et s’informer mutuellement.
 
Une entrée en fonction attendue fin 2020
Le Parquet européen, situé à Luxembourg, devrait être opérationnel en novembre 2020. En attendant, des mesures garantissant une protection effective des intérêts financiers de l’Union européenne ont déjà été adoptées, à l’instar de l’ordonnance (Ord. n° 2019-963, 18 sept. 2019, JO 19 sept.) relative à la lutte contre la fraude au niveau européen du 18 septembre 2019 (v. Protection des intérêts financiers de l’Union européenne : l’ordonnance au Journal officiel, Actualités du droit, 19 sept. 2019).
Source : Actualités du droit